La légende des oiseaux
Au début du monde, le Créateur, que les Indiens Abénakis
appellent Tabaldak créa la Terre et pour eux, la Terre devint le jardin de
Tabaldak. Depuis ce jour, la vieille Terre-mère donne les plantes qui
nourrissentalimentent
et les plantes qui soignentsoigner : rétablir la santé de, traiter
. Tabaldak avait créé tout ce dont les hommes
avaient besoin pour vivre sur Terre. Il avait tout créé ou presque, car pour
les Indiens le Créateur n'était pas parfait, sinon il aurait créé tous les
Indiens parfaits.
Tous les Indiens étaient en extase devant la création
jusqu'au moment où Ours blanc décida de mettre son gros manteau blanc sur le
pays et souffla son
haleineair qui sort des poumons lorsque l'on expire
froide pour faire apparaître l'hiver.
À cette époque, les Indiens vivaient la majeure partie de
leur temps dans le et les petits
papoosesenfant indien de l’Amérique du Nord
sont vite devenus
bien tristes. Ils n'avaient plus rien pour s'amuser, sauf les cendresrésidu restant à la fin d’une combustion
du
feu qui semblaient tièdes tellement le froid était intense. Durant l'été, ils
avaient joué avec les feuilles de l'arbre sacré. Ils en avaient fait des
colliers, des , des papillons et ils avaient aussi joué avec le
. Avec la neige qui avait tout recouvert de blanc, tous leurs
jouets avaient disparu et ils en étaient très affectés. Ils paraissaient
tellement tristes que grand-maman Marmotte le remarqua et décida d'aller voir
Tabaldak. Elle lui dit:
«Tu as créé de bien belles choses pour tes enfants
adultes. Tu as tout donné pour qu'ils puissent bien vivre, mais tu as oublié
mes petits papooses».
Tabaldak réfléchit un instant et approuva ce que
grand-maman Marmotte lui avait confié. Il promit d'arranger les choses.
Aussitôt que le printemps se pointa le nez, il se mit à réfléchir à ce qu'il
pourrait bien créer pour leur rendre l'hiver plus agréable. C'est alors qu'il
se rappela avoir vu les enfants jouer avec les feuilles de l'arbre sacré. Il
décida donc de créer les oiseaux, mais dans sa
hâteimpatience, précipitation
de faire plaisir aux
enfants pour l'hiver prochain, il créa les oiseaux tout blancs, de la même
couleur que l'hiver.
Les enfants furent très heureux de cette création. Vous
auriez dû les voir jouer avec les huards, les canards, les sarcelles, les
perdrix, les pic-bois, les hirondelles, les parulines, les gros-becs, les roselins,
les bruants, les chardonnerets, les mésanges, les merles, les moineaux et les
colibris. Les papooses ont passé le printemps, l'été et même l'automne à
s'amuser avec leurs nouveaux amis les oiseaux.
Lorsqu'Ours blanc jeta de nouveau son gros manteau blanc
sur le dos de la Terre-mère, les enfants se rendirent compte que les oiseaux
étaient de la même couleur que la neige et qu'ils pouvaient donc à peine les
voir. Même les oiseaux étaient bien
embêtéscontrariés, agacés
par la difficulté à se
reconnaître entre eux. Ils étaient tous de la même couleur. Ils retournèrent
dans leur tee pee avec encore beaucoup de tristesse en eux.
Grand-maman Marmotte vit le chagrin dans les yeux des
enfants. Elle retourna voir Tabaldak et lui dit:
«Tabaldak, je crois que tu as créé les oiseaux un peu
trop vite. Tu as donné aux adultes une nature toute colorée à ton image, mais
tu as oublié que les petits enfants méritaient aussi ces mêmes couleurs pour
leurs oiseaux».
Tabaldak réfléchit et finit par dire à grand-maman
Marmotte:
«Tu as bien raison. Je vais réparer mon erreur. Appelle
tous les oiseaux et dis-leur de se rassembler ici, devant moi».
Pendant ce temps, Tabaldak alla prendre du brun terre, du
vert pelouse, du vert arbuste, du bleu ciel, du jaune soleil, du rouge feu, du
gris nuage et fabriqua de merveilleuses teintures qu'il mit dans de magnifiques
pots en écorce de bouleau
L'écorce de bouleau est un matériau traditionnel en Europe du Nord. Elle s'obtient facilement par incision superficielle des troncs et branches.
que grand-maman Marmotte avait fabriqués pour
lui. Les pots sentaient l'écorce
fraîche.
Tabaldak plaça les pots de teinture devant lui. L' s'avança, la première, près de Tabaldak et lui donna une plume
afin qu'il puisse colorer les oiseaux. L'oie blanche lui dit:
«Prends ma plume pour faire ton travail de création. Moi
je resterai blanche afin que tes enfants s'en rappellent. Chaque année, je
passerai au-dessus de leur territoire pour qu'ils se souviennent de toi.
Jusqu'à ce jour, l'oie blanche n'a pas encore manqué à sa parole. Chaque
printemps, de la fin mars jusqu’à la fin mai, près d'un million d'oiseaux
fréquentent les
bergesbords
du lac Saint-Pierre à Baie-du-FèbvreVille du Québec
.
Des milliers d'ornithologues amateurs et les amants de la
nature se donnent rendez-vous le long des zones inondées pour observer le
retour spectaculaire des oies blanches.
Le Créateur commença donc son travail. Avec le rouge et
le brun, il colora le . Avec le bleu, il donna ses couleurs à
l'. Avec le jaune, il colora le et ainsi de
suite, jusqu'à ce que tous les oiseaux soient recouverts des couleurs de la nature.
Vous pourriez même, si vous prenez le temps d'observer les oiseaux, deviner où
Tabaldak a pris la teinture pour colorer chaque oiseau que vous observez. Il
n'y a pas de couleur sur un oiseau qui n'est pas dans la nature.
Pendant qu'il faisait son travail avec minutie, un oiseau
le
dérangeaitimparfait de ‘déranger’ : incommoder, gêner
constamment. Il criait, battait de l'aile bruyammentcontraire de 'silencieusement'
,
les autres et oubliait de partager la joie de ses frères. Il
alla même devant le Créateur pour l'insulter en lui disant que ses teintures
étaient bien belles, mais pas assez brillantes pour les mettre sur son
magnifique plumage. Patiemment, le créateur continua son travail. L'oiseau
était de plus en plus dérangeant, battant de l'aile et criant constamment.
Il revint devant le Créateur encore une fois et d'un coup
d'aile renversa tous les pots de teinture. Les teintures, en se renversant, se
mélangèrent et devinrent toutes noires. Vous auriez dû voir grand-maman
Marmotte derrière le tee pee. Elle était dans tous ses états, n'en croyant pas
ses yeux de voir ce que l'oiseau avait fait.
Le Créateur, dans sa grande patience, ramassa la teinture
noire et la remit dans un nouveau pot que grand-maman Marmotte avait apporté.
Il reprit sa plume et continua son travail. L'oiseau dérangeant revint une
troisième fois devant lui pour l'insulter à nouveau, mais cette fois-ci,
Tabaldak saisit l'animal par les pattes, le
plongeapassé simple de ‘plonger’ : immerger
dans la teinture noire
et le leva très haut au bout de son bras en lui disant:
«Telle est ta volonté mon bel oiseau et telle est ma
volonté. Parce que tu l'as bien voulu, tu seras toujours un oiseau dérangeant
et bruyant. Tu auras toujours un vol lourd et bruyant. Les autres oiseaux
te craindrontauront peur de toi
et les animaux te fuiront. On t'appellera le corbeau».
Et il laissa partir l'oiseau. Mais ce n'était pas le
dernier oiseau. Le dernier oiseau arriva
humblementavec modestie
devant Tabaldak. Il
excusa le comportement effronté du corbeau et dit au Créateur:
«Tabaldak, je regrette le geste du corbeau. J'aurais
voulu que tu couvres mes plumes avec les couleurs de l'arc-en-ciel. J'aurais
pu, ainsi coloré, voler très haut vers le soleil et tracer de grands cercles
pour que tes enfants puissent y voir toute ta puissance. J'aurais voulu être
ton symbole pour tes enfants».
Le Créateur fut bien
émuconsterné, bouleversé
par les paroles de
l'oiseau. Il dit à l'animal:
«Ouvre bien grandes tes ailes».
Il prit alors sa plume et la plongea dans la teinture
noire. Il en mit un peu sur le
boutextrémité
des ailes, un peu autour du cou. Il en
mit aussi un peu sur la queue et balayapassé simple de ‘balayer’ : (figuré) parcourir une superficie
tendrement le dos de l'animal en
lui disant:
«Telle est ta volonté mon bel oiseau et telle est ma
volonté. Tu seras mon symbole. Tu voleras très haut pour tracer le cercle
sacré. J'y mettrai toute ma puissance et mes enfants le verront. Tu seras le
seul animal à regarder le soleil bien en face. On t'appellera aigle. Et pour
s'en rappeler, chaque fois qu'un de mes enfants plantera un poteau dans le sol
pour y graver ses symboles et ses totems, tout en haut il placera tes ailes
pour me représenter. Tu seras un guide pour mes enfants. Telle est ta volonté
mon bel oiseau et telle est ma volonté».
Je veux que vous sachiez que depuis ce temps-là, les
Amérindiens utilisent les plumes de l'aigle pour s'en faire de belles décorations
et qu'il y a toujours une plume d'aigle attachée à la pipe sacrée.
Cette légende est encore très vivante dans le village
Abenakis d'Odanak au Québec.
Auteur inconnu.
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